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Le gouvernement est en train d’accéder à une vieille revendication des SSII avec sa nouvelle loi travail, à savoir le CDI de chantier. Celui-ci pour rappel permet à une entreprise d’engager quelqu’un pour une mission précise, et de licencier la personne lorsque la mission est terminée. Dans le cas d’un développeur la mission en question est bien évidemment la création d’un logiciel. Maintenant, embaucher un développeur sous un tel contrat est-il une bonne idée ?

Petit rappel de bon sens

Vous avez un projet informatique à mener à bien. On va supposer les deux situations suivantes :

  • Vous avez un développeur A, qui travaille vite et bien.
  • Vous avez un développeur B, qui travaille mal et lentement.

Dans les deux cas, vous engagez le développeur (ou la développeuse, pardon Mesdames, mais par la suite par flemme j’emploierai le terme « le développeur ») en CDI de chantier. On suppose aussi que vous engagez dans les deux cas le développeur au même tarif.

Le développeur A, qui travaille vite et bien, termine le projet en un mois. Vous n’avez pas ou peu de bugs, le projet tourne et il ne vous aura pas coûté cher car vous vous séparerez de la personne. Par contre, cette dernière se retrouvera renvoyée rapidement précisément parce qu’elle a bien travaillé.

À l’inverse avec le développeur B, vous aurez besoin de six mois de développement pour arriver à un projet nettement moins bien sur le plan qualitatif, et devrez le garder encore trois mois de plus pour corriger les bugs. Autrement dit pour ce projet le développeur B aura touché neuf fois ce que le développeur A a touché, alors qu’il a mal travaillé.

On voit bien au travers cet exemple que le CDI de chantier est la prime au travail saboté, car celui qui travaille bien est pénalisé. En soi, il s’agit d’une situation ubuesque !

La paresse...

Cette situation est exactement analogue à celle contée dans le film The Big One de Michael Moore, dans lequel le patron explique tranquillement que si les employés avaient mieux travaillé ils auraient été virés plus tôt, par contre on les aurait gardés plus longtemps s’ils avaient mal bossé.

Le cas des SSII

L’ennemi numéro 1 des SSII est l’intercontrat. Dès lors un CDI de chantier peut sembler intéressant pour limiter le phénomène. Cela dit, dans ce cas la personne que vous embauchez n’a strictement aucun intérêt à travailler pour vous : elle aura les mêmes risques qu’en freelance, à savoir la précarité, sans avoir les avantages de ce statut comme une paie nettement supérieure. Autrement dit le CDI de chantier risque fort de transformer à terme les SSII en agences de mise en relation entre indépendants et clients finaux. En soi cela dit ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose vu les pratiques de certaines sociétés du milieu…

Adecco, grand nom de l'intérim

Pour ceux qui accepteront de travailler sous CDI de chantier pour une SSII, le problème sera le même que celui qui est évoqué plus haut, à savoir que la prime est à celui qui travaillera le plus mal. Alors certes à court terme c’est très intéressant pour la SSII car elle peut facturer plus, mais les clients s’apercevront vite de la supercherie et risquent d’être bien plus regardants sur le contrat des recrues du prestataire. D’autre part les services achats des clients peuvent utiliser le prétexte de l’absence d’intercontrat pour tirer encore les TJ vers le bas

On s’en fout, tout le monde adaptera ce type de contrat

Si tous les employeurs adoptent ce type de contrat, les salariés comprendront bien qu’ils ont intérêt à faire traîner les choses et saboter le boulot pour garder leur poste le plus longtemps possible. À terme pour les entreprises qui en font usage il faut s’attendre à des pertes de compétitivité et un effet potentiellement catastrophique en terme d’image. À l’heure où on parle de concurrence mondialisée ce point peut être désastreux hors situations de monopole.

Je me souviens d’un client qui a passé un savon à des prestataires parce qu’ils arrivaient trop tard le matin, alors qu’il leur offrait des conditions de travail lamentables et aucune incitation à s’impliquer dans l’entreprise. Évidemment ça n’a eu pour autre effet que d’amuser les salariés concernés… Avec un CDI de chantier on risque d’arriver à la même chose à plus grande échelle, en sachant bien qu’il est très difficile de mettre la pression à un salarié pour avancer plus vite alors que précisément il n’a aucun intérêt à le faire.

Alors vous pourrez toujours me dire que le monde est petit, que gnagnagna les mauvais salariés on va les griller. Certes mais quand tous les salariés adopteront la posture évoquée plus haut vous serez coincé, et de manière durable. Pour information aux Pays-Bas la généralisation de ce type ce contrat a mené à une baisse notable de l’engagement des salariés pour les entreprises.

Amsterdam

En bref

Même si le CDI de chantier peut paraître être un bon calcul du point de vue d’un employeur, ses effets pervers ne sont pas à négliger, en particulier la prime au travail saboté. Par ailleurs il est clair qu’un salarié dans de telles conditions n’hésitera pas à demander (beaucoup) plus, personnellement je n’hésiterais pas à demander 50%. Pour la petite histoire je me suis déjà vu reprocher en SSII de terminer une mission plus tôt que prévu… et si les SSII raisonnent de la sorte les salariés finiront par faire pareil. Alors, à votre avis, payer plus cher un salarié qui a tout intérêt à saboter le travail et ralentir l’activité est-il un bon calcul ?

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Julien
Moi c’est Julien, ingénieur en informatique avec quelques années d’expérience. Je suis tombé dans la marmite étant petit, mon père avait acheté un Apple – avant même ma naissance (oui ça date !). Et maintenant je me passionne essentiellement pour tout ce qui est du monde Java et du système, les OS open source en particulier.

Au quotidien, je suis devops, bref je fais du dév, je discute avec les opérationnels, et je fais du conseil auprès des clients.

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