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Ce vendredi une amie m’a appelé en catastrophe en me disant que le site internet de son entreprise est totalement hors d’usage. Je regarde, et effectivement on arrive sur une page blanche avec tout en vrac. Elle me dit qu’elle a fait intervenir l’équipe de développement, basée en Inde pour casser les prix, dans l’après-midi sur son serveur et que depuis tout est planté.

Je me connecte à son serveur et là… l’horreur. Je constate que dans le site déployé, on trouve :

  • Les dossiers .git utilisés pour le versionning et directement accessibles depuis Internet.
  • Les anciennes versions du site dans des sous répertoires directement accessibles depuis Internet.
  • Les paramètres de connexion à la base de données, y compris les mots de passe, dans un fichier accessible depuis Internet.
  • Le tout tourne sur une vieille version de PHP, la 5.5.7, donc largement blindée de failles de sécurité connues.

Bref, son site, sous le capot, ressemblait à ça :

Le fait de faire développer son site en Inde plutôt qu’en France n’a pas d’importance en soi, par contre le fait qu’elle n’ait pas payé le site à sa vraie valeur est une erreur fondamentale en soi, car le moins qu’on puisse dire est qu’elle en a eu pour son argent !

Les développeurs ne sont pas interchangeables

De nombreux chefs d’entreprises on tendance à considérer leurs développeurs comme des serreurs de boulons dans le film Les Temps Modernes. Sans dénigrer ces derniers, loin s’en faut car c’est un métier difficile, le métier de développeur nécessite de solides connaissances, de la rigueur et de la créativité. En fait c’est l’une des professions intellectuelles les plus complexes qui soit, sauf qu’elle n’est pas reconnue à sa juste valeur en France.

C’est ainsi que depuis les années 90, les salaires des développeurs ont tendance à… baisser, non seulement en euros constants, mais en valeur numéraire tout court. Pour vous en convaincre je vous invite à lire le livre Va-t’on payer pour travailler ? de Valérie Segond. Une des causes de tout ça est le chômage, mais aussi et surtout le fait que contrairement à ce qu’on pense il n’y a pas pénurie d’informaticiens, bien au contraire 10% d’entre nous sont au chômage, cf. les chiffres du Munci.

Cela dit il est malsain de chercher à profiter du marché de la sorte pour tirer les salaires vers le bas. Cela a plusieurs effets délétères, parmi lesquels :

  • Le fait que les développeurs n’hésitent plus à partir au bout de moins d’un an pour aller chercher un boulot mieux payé.
  • Une baisse de motivation qui se traduit à terme par un désengagement. À quoi bon bosser pour des cacahuètes ?
  • À terme une baisse de qualité des projets, qui peut devenir critique au point de devoir jeter tout l’existant à la poubelle avec des coûts non négligeables quand ça arrive… ou couler certaines sociétés.

Qu’on soit clair, un bon développeur coûte cher, et si vous ne lui offrez pas ce qu’il veut, il aura raison d’aller voir ailleurs. Dites-vous bien qu’en tant qu’entrepreneur si vous n’arrivez pas à recruter ou garder de bons développeurs, c’est vous le problème, pas eux. Il y a quelque chose de pourri dans votre entreprise, et ils ont raison de la fuir.

La prestation de service, pour toujours baisser les coûts

Afin de toujours baisser les coûts et surtout les frais fixes, qui déplaisent à l’actionnaire, les entreprises externalisent vers des SSII. Elles en profitent alors peu à peu pour compresser les coûts, ce qui fait que les tarifs journaliers (TJ) des SSII sont maintenant inférieurs à ce qui se faisait dans les années 90 ! C’est en particulier vrai dans le milieu de la banque, qui veut des développeurs expérimentés en région parisienne pour un TJ de… 350 euros par jour !

Pour rappel le mode de fonctionnement des sociétés de service fait que le salaire du développeur est directement indexé sur le TJ, et pour être précis il est en général équivalent à 100 fois ce dernier en brut. Cela signifie qu’un développeur à 350 euros de TJ sera payé entre 35k et 40k, soit le salaire d’un débutant. En toute honnêteté les seuls développeurs expérimentés qui accepteront de travailler pour un tel salaire sont ceux qui ne trouveront rien ailleurs, autrement dit les mauvais. Ces derniers sont en général peu motivés, aussi les entreprises mettent en place des outils de reporting, les fameuses KPI, pour tenter de leur mettre la pression. Cela crée un sursaut d’engagement pendant quelques semaines, avant que la motivation ne baisse encore plus bas qu’avant. Un vrai cercle vicieux.

Le résultat est que la qualité des logiciels produits se dégrade d’année en année. On trouve par exemple des erreurs grossières comme une application web qui affiche « Mauvais mot de passe » si le nom d’utilisateur est bon mais pas le mot de passe, ou des performances exécrables, ou encore des bugs grossiers. Jusqu’au jour où ils deviennent impossibles à maintenir, et vous perdrez des millions à les refaire. Bref vous vous créez une vraie bombe à retardement…

En bref…

En tant qu’entrepreneur il est suicidaire de vouloir prendre systématiquement les développeurs les moins chers. Alors oui vous en aurez pour votre argent… et la qualité du travail produit sera directement en relation avec le prix que vous y aurez mis. À court terme vous y gagnerez, mais à long terme ce n’est pas le cas. Et dans le cas où un projet échoue parce que vous avez cherché à faire ce type d’économie, vous n’aurez à vous en prendre qu’à vous-même ! Pour être clair, un bon développeur en région parisienne avec 8-10 ans d’XP n’acceptera pas de travailler à moins de 60k par an, ou 600 euros de TJ. En dessous c’est louche. Alors oui c’est cher, mais c’est le prix de la qualité.

Une autre erreur est de prendre de bons développeurs, mais de ne pas les écouter sur le temps requis pour la réalisation de telle ou telle demande. Dans de tels cas, vous les ferez fuir, et ils n’auront aucun problème pour trouver ailleurs. Et là encore vous n’aurez qu’à vous en prendre à vous-mêmes, pas à eux.

Après, à vous de voir ce que vous voulez, tout en sachant que if you pay peanuts you get monkeys

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Julien
Moi c’est Julien, ingénieur en informatique avec quelques années d’expérience. Je suis tombé dans la marmite étant petit, mon père avait acheté un Apple – avant même ma naissance (oui ça date !). Et maintenant je me passionne essentiellement pour tout ce qui est du monde Java et du système, les OS open source en particulier.

Au quotidien, je suis devops, bref je fais du dév, je discute avec les opérationnels, et je fais du conseil auprès des clients.

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