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Nombre d’entre nous travaillent pour des SSII ESN en régie assistance technique, autrement dit chez le client on est sous ses ordres. Mais dans ce type de poste où on a vite fait de ne plus savoir qui est son vrai chef, il y a des règles de survie à respecter pour ne pas être trop déçu ou devenir dingue. On les expose ici.

Update 2020 : Cet article est importé depuis Jobprod suite à son acquisiton par WeLoveDevs.

Il met en avant l’avis de Julien, ingénieur en développement et auteur, qui témoigne de ce que beaucoup de développeurs ont pu vivre comme situations complexes en SSII. Nous pensons toutefois que chaque expérience professionnelle est unique, et c’est pourquoi nous vous partageons aussi le témoignage de Clément Devos, qui a été développeur chez Norsys et qui vous expliquera comment il a apprécié son expérience en ESN !

On t’invite à nous dire en commentaire quelle a été ton expérience en ESN, on est curieux de te lire !

L’équipe WeLoveDevs.

Quelques rappels avec la loi

Le travail en régie est de manière générale illégal. Il tombe d’ailleurs sous le coup de l’article L 8241-1 sur le prêt de main d’oeuvre illicite, ainsi que l’article L 8231-1 sur le délit de marchandage. En fait pour être en conformité avec la loi il faudrait que le travail en régie satisfasse les conditions suivantes :

  • Vous devriez avoir un endroit dédié dans les locaux du client sur lequel ce dernier n’a aucun droit de regard car vous n’avez aucun lien hiérarchique avec lui.
  • De même le client n’a pas à savoir ce que vous faites à un moment ou l’autre, il doit passer commande de tâches, et vous livrez ces tâches. Les conditions dans lesquelles ça se passe ne le regardent pas. Ça signifie notamment que vous ne devez pas être soumis aux règles d’usage d’Internet du client (hé hé…)
  • Lorsqu’il s’agit de donner des instructions, le client doit contacter votre commercial pour donner ses ordres. Ce dernier les transmet à votre chef, qui vous les transmet ensuite. Et c’est la boucle inverse pour les retours ou les questions. Éventuellement il peut y avoir un outil de ticketing pour faciliter la communication. Mais en aucun cas vous ne devez être en contact direct avec le client.

Alors oui c’est compliqué, mais c’est ni plus ni moins ce que dit la loi car vous ne devez pas occuper la place de quelqu’un en CDI chez le client. Par contre dans certains cas vous pouvez être détaché chez le client pour y mener un audit ou autre. Mais dans ce cas c’est légal car le client a commandé au commercial de votre entreprise, et vous ne recevez pas par la suite d’instructions de celui-ci.

Néanmoins, même si personne ne respecte la loi et que l’État ferme les yeux sur toute cette traite illégale d’êtres humains, il est toujours utile de connaître ses droits.

Soyez mercenaire

Que ça vous plaise ou non, le métier de prestataire de services est un métier de mercenaire. D’ailleurs dans certains cas votre commercial n’hésitera pas à vous sortir de mission pour vous placer à un endroit plus rentable. De même vous n’hésiterez pas de temps en temps à changer de SSII pour aller dans une boîte plus offrante question salaire (puisque c’est la seule chose qui est vraiment respectée par ces sociétés…).

Certains clients peuvent s’en plaindre, car ils veulent des prestas restant dans la durée. C’est une aberration, s’ils veulent des gens qui restent ils doivent les em-bau-cher, ouh le gros mot. Car s’ils attendent de vous que vous restiez, ils vous gardent comme presta pour pouvoir vour virer du jour au lendemain. L’autre raison pour laquelle ils prennent des prestas est purement comptable, car ça permet de vous faire passer dans la ligne fournisseurs et pas salaires, car avoir de trop fortes charges salariales ne plait pas aux actionnaires du client. Autrement dit le client vous demande de lui être fidèle mais ne se sent en aucun cas obligé de faire de même. Dès lors pourquoi lui seriez-vous fidèle ?

Rappel : vous n’êtes pas embauché par le client

Même si vous ne voyez jamais votre SSII, c’est bien pour elle que vous travaillez et pas pour le client. Alors certes ce dernier peut vous convier à nombre de réunions sur la vie de son entreprise. Autant être clair : ça ne sert à rien d’y aller. Vous êtes là pour faire une mission, et rien d’autre. En fait ce qui se passe chez le client devrait vous passer à trois kilomètres au-dessus de la tête car ça ne vous regarde pas.

Toujours pas convaincu ? Vous pourrez constater que dans certains cas le client n’hésitera pas à vous rappeler plus ou moins subtilement que vous êtes prestataire, pas interne. Dès lors n’hésitez pas à utiliser cet argument pour refuser de participer à tout ce qui n’est pas lié directement à votre mission. Au début ça ne plaira pas, mais au moins après on vous laissera en paix avec plein de choses et on n’osera pas trop vous demander des horaires à rallonge. Autrement dit c’est tout bénéfice pour vous et ça va désarçonner les clients les plus pervers.

Dans la même veine si un client se met à vous hurler dessus et ne pas être correct n’hésitez pas à lui remettre les points sur les i concernant la loi, en lui demandant à partir de maintenant de respecter celle-ci au pied de la lettre. Ça va en refroidir plus d’un…

Le client vous donne un ordre fumeux

Il se peut que le client vous donne un ordre fumeux, quitte à se retourner ensuite contre vous en vous disant qu’il ne vous avait jamais rien demandé de tel. On pourrait par exemple citer sudo rm --no-preserve-root -rf / sur un serveur de production. Dans ce cas, demandez-lui de vous communiquer cet ordre par mail avec en copie le manager de la SSII, ainsi que votre mail chez le client et votre mail SSII. Ensuite vous pouvez suivre cet ordre, personne ne pourra plus rien vous reprocher.

La promesse de l’embauche par le client

Les prestas sont en général très lucides sur leur condition et rêvent par conséquent d’être embauchés par le client. En toute honnêteté, c’est plutôt rare qu’une embauche se produise. Par contre le client peut dans certains cas se servir de ce point pour essayer de vous faire vous défoncer au maximum pour lui et ne pas compter vos heures. Il peut aussi en profiter pour vous demander de bosser le week-end en oubliant de vous payer…

Alors souvenez-vous : les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Autrement dit vous ne devez jamais croire un client qui vous promettrait de vous embaucher à moins que celui-ci vous ai fourni un document légal de promesse d’embauche. Cette situation n’arrive pratiquement jamais pour des raisons qu’on comprendra assez aisément : vous êtes la « marchandise » de la SSII, et celle-ci la loue. Bref dans les contrats entre le client et la boîte de prestas il y a souvent une clause qui dit que le premier n’a pas le droit d’embaucher un presta avant telle durée après la fin de la mission.

De trop nombreux prestas ont été déçus parce qu’on leur avait promis à l’oral une embauche s’ils se défonçaient, ce qu’ils ont fait. Et au bout des trois ans on leur a prétendu que les plans avaient changé et donc que l’embauche ne pouvait avoir lieu… pour les remplacer illico par d’autres prestas et leur demander de former ces derniers !!! Comme quoi certains clients n’ont vraiment aucun scrupule.

Mais passer interne est-il toujours le bon plan ?

Si vous êtes dans une grosse SSII dont le nom commence par un A histoire d’être en haut de l’annuaire, telle qu’A—n ou A—-n, alors la réponse est clairement positive. Vous ne pourrez de toute façon pas faire pire. Maintenant dans les autres la question n’est pas si simple. En effet si vous faites clairement comprendre au client que vous n’êtes là que pour votre mission et rien d’autre et que vous savez que vous ne travaillez pas pour lui mais pour votre boîte, vous aurez les avantages suivants :

  • On vous épargnera les réunions à n’en plus finir qui ne servent à rien d’autre que passer sa vie au boulot.
  • Personne ne vous reprochera de ne pas vous impliquer, autrement dit de rester le soir jusqu’à pas d’heure.
  • La politique de la boîte cliente ne vous concernera pas, alors que celle-ci peut être très néfaste notamment dans les banques.
  • Si on vous demande de venir le samedi vous pouvez toujours décliner en disant que vous n’avez pas à payer pour des deadlines sur lesquelles vous n’avez même pas été consulté. Bon d’accord celle-la est plus dure à tenir mais si vous résistez là encore on vous fichera la paix.
  • Si la mission vous soûle vous pouvez facilement en changer, quitte à changer de SSII. D’ailleurs connaissez-vous les collègues de votre entreprise ? Bien souvent c’est rarement le cas…

Bref à vous de voir. À titre perso pour avoir expérimenté les deux pas sûr que je veuille encore passer interne… Certes vous perdrez en congés et autres avantages, mais pas nécessairement en qualité de vie.

En bref

Les SSII ont phagocyté le marché du travail en informatique, souvent à la demande ou avec la complicité des clients. C’est un fait qu’on ne peut nier au moins en France. Souvent la situation fait que vous pouvez vous sentir obligé d’aligner un nombre hallucinant d’heures pour pas grand chose à la fin du mois, juste dans l’espoir de sortir de votre ESN suite à une promesse fumeuse du client. De même dans certains cas celui-ci peut essayer de vous avoir par l’affectif en vous demandant de rester plus tard car « tu comprends, sinon je suis dans la m… jusqu’au cou ».

Souvenez-vous : le client n’a pas voulu vous embaucher en direct mais comme prestataire. Autrement dit soyez insensible à de telles demandes ou promesses, faites ce qu’on vous demande, ni plus ni moins. Et comme en régie il n’y a aucune obligation de résultat ne vous sentez pas obligé de tenir des deadlines irréalistes. Faites vos heures, ni plus, ni moins. Si le projet réussit ou se plante, ce n’est pas votre problème. De toute façon dans le premier cas personne ne vous remerciera alors que dans le deuxième certains n’hésiteront pas à vous le reprocher.

Bref n’ayez pas de scrupule, soyez mercenaire et prenez tout ce que vous pouvez prendre. Une fois que vous n’avez plus rien à apprendre n’hésitez pas à aller voir ailleurs. Vous verrez qu’en appliquant cette règle de base vous prendrez du recul par rapport à votre condition de presta et constaterez que cette situation n’a pas forcément que des inconvénients, si si.

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Julien
Moi c’est Julien, ingénieur en informatique avec quelques années d’expérience. Je suis tombé dans la marmite étant petit, mon père avait acheté un Apple – avant même ma naissance (oui ça date !). Et maintenant je me passionne essentiellement pour tout ce qui est du monde Java et du système, les OS open source en particulier.

Au quotidien, je suis devops, bref je fais du dév, je discute avec les opérationnels, et je fais du conseil auprès des clients.

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Rejoignez la discussion 6 Commentaires

  • Olivier dit :

    J’aime toujours autant tes articles, toujours très vrais et représentatifs du métier 😉

    Merci pour ces quelques règles que j’avais pu relever pour certaines, sait on jamais si j’y retourne en ESN…euh SSII

  • Georges dit :

    Effectivement cet article sent vraiment le vécu et me rappel également de mauvais souvenirs. Le problème c’est qu’il est difficile de trouver un job hors ssii aujourd’hui. Le métier d’informaticien est devenu précaire, avec des contraintes de mobilité fortes. J’ai passé quasiment 2 ans à l’hôtel dans le cadre de mission au forfait ou en régie ! Certains collègues ont subi des pressions pour déménager prêt de chez le client lorsque la mission durait et éviter ainsi les frais de déplacement !
    J’ai vu aussi le cas où le client à demandé aux prestataires d’aller bosser sur un autre site (éloigné géographiquement), personne en interne n’avait accepté… Durée indéterminé (mais env 1 an !). Lorsque le client fait la demande au commercial, la pression augmente et un mec a dû partir ! Bref, je pourrais en raconter encore …. Ma conclusion est qu’en France, le développement logiciel n’est pas valorisé. Ce métier n’offre plus de perspectives intéressantes, surtout si l’on reste en ssii.

  • M dit :

    Merci pour cet article. Cela a été une piqûre de rappel. Depuis le début de ma nouvelle mission j’ai bossé comme une malade a ne pas compter mes heures pour faire avancer le projet et à la finale, de retour de congé, 1h plus tard j’apprend que ma mission se termine. Le client veux me voir partir dans 2 semaines. Sans explication. Tout le monde est content de mon travail, le projet est complexe depuis le début mais j’ai su rallier les équipes…
    Effectivement j’ai l’erreur de me donner à fond et de ne pas compter mes heures… Je vais garder en tête votre phrase : Je suis un mercenaire

    • gojul dit :

      De rien c’est tout à fait normal. Dans mon cas l’expérience parle et je dirais même que chez certains clients il y a tellement de barrages débiles qu’un certain sens de l’humour peut être salvateur.

  • Marc dit :

    Finalement tous les ingénieurs y perdent :
    – L’ingénieur prestataire, aigri par une succession d’injustices désolantes qui sont d’ailleurs rentrées dans les mœurs depuis de nombreuses années, donc oui, vous avez raison de vous considérer comme mercenaire, mais je doute que ce soit une solution qui permette d’être parfaitement bien dans ses baskets : ingénieur et mercenaire c’est un duo pour le moins exotique
    – L’ingénieur client, dont les attributions se cantonnent le plus souvent à de la gestion sous tableur excel avec au mieux des règles de 3 à appliquer, qui a le vertige de perdre son job pour tomber dans la case prestataire de service, dont il est bien conscient de ne même pas avoir les compétences nécessaires pour y arriver d’ailleurs

    Mais il y a des gagnants dans cette affaire, notamment les fameux ingénieurs…d’affaire, qui n’ont d’ingénieur que le nom : ce sont les commerciaux dont vous parlez. Et bien d’autres loustics encore, c’est tout un éco-système derrière tout cela dans les « agences » ou « maisons mères ».

    Alors comme vous avez bien rappelé la loi française qui n’est pas appliquée depuis des décennies, c’est fantastique… Osons pour finir un : « Vive la république, vive la France ! »

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